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Manjul Bhargava s’est vu décerner la médaille Fields cet été. En 2004, il publia des travaux succulents directement inspirés du maître, Gauss, et de la fontaine de toute mathématique, les Disquisitiones arithmeticae. Ce billet est un résumé d’un exposé d’Adam au séminaire des doctorants de Bristol. On peut lire ceci pour en savoir plus.
Formes quadratiques binaires
Nous allons considérer ici des applications de la forme où
sont des entiers premiers entre eux (on dira alors que
est primitive). Un tel objet vient d’une matrice symétrique évidente, que nous noterons encore
, de sorte que
. Nous introduisons le discriminant de f :
. Et on supposera
; on supposera encore que b est pair, de sorte que la matrice symétrique est à coefficients entiers et non demi-entiers et
Enfin nous présumons que
un entier sans facteur carré congru à 2 ou 3 mod 4. Le fait que
est négatif assure que
où
est racine d'un brave trinôme
.
L'ensemble de ces formes quadratiques sera noté BQF (binary quadratic forms).
Action de .
Ce groupe célèbre agit naturellement sur les matrices symétriques entières par . Bien sûr le déterminant et donc le discriminant sont préservés.
Gauss savait déjà bien que
Théorème : est naturellement muni d’une structure de groupe abélien. En fait il va même beaucoup ressembler au groupe des classes de
.
Le génie de Bhargava a été de décrire une correspondance intuitive entre ce groupe des classes et cet ensemble de classes d’équivalence.
Une introduction iconoclaste au groupe des classes
Notons à présent . Vu l’hypothèse sur D, c’est l’anneau des entiers d’un corps quadratiques, et donc en particulier il est factoriel. On peut le voir comme un réseau
de
.
On dit qu’un réseau de
est un idéal fractionnaire si
. C’est par exemple le cas de
. Nous introduisons aussi une relation d’équivalence sur les réseaux :
. On note
l’ensemble des classes d’équivalences des idéaux fractionnaires de
. Notons que cet ensemble est naturellement muni d’une multiplication. De plus chaque élément a un inverse : en effet il suffit de poser
. Ainsi nous sommes en présence d’un groupe.
Théorème : est un groupe fini.
Preuve : pour , on peut écrire
avec
, le demi-plan supérieur. Notons que pour
, on a
. Oui mais
laisse globalement invariant les réseaux ; ainsi cette action nous permet de choisir
dans le domaine fondamental bien connu (cf dessin).
Or, implique que
pour certains
entiers. Mais alors
et seul un nombre fini de choix d’entiers m,n fait que cette expression est dans le domaine fondamental. Donc seul un nombre fini de
donnent des réseaux différents et donc
est fini.
La bijection BQF
Revenons à . On lui associe le réseau
. L’action de
sur f ne change pas le réseau associé, car deux
différant par un élément de
produisent le même réseau (à équivalence près). Voici donc la bijection, qui munit automatiquement BQF d’une structure de groupe abélien fini.
Les cubes de Bhargava
C’est apparemment en jouant avec un Rubik’s cube 2x2x2 que Bhargava a eu sa vision. Il part en effet d’un cube 2x2x2 d’entiers, autrement dit une application .
Un tel cube donne lieu naturellement à 3 paires de matrices 2×2 : les paires devant-derrière, haut-bas, droite-gauche. Ces trois paires sont notées . Elles donnent lieu à trois BQF en posant
. Exemple :
On a notamment
et donc qui est de discriminant
.
Fait général : les trois BQF ainsi produites ont le même discriminant.
Mettons maintenant en évidence une action de sur les cubes. Pour
,
l’action de où
sur
le transforme en
. Ainsi,
agit comme
sur
et trivialement sur les deux autres. Le coup de génie de Bhargava est le suivant :
Théorème :
i) Les trois formes issues d’un même cube définissent trois classes d’équivalence unies par la relation (pour la loi de groupe définie par Gauss, issue de la bijection décrite plus tôt).
ii) Soient trois BQF de même discriminant et dont les classes ont pour somme 0. Alors il existe un cube dont elles proviennent, et ce cube est unique à action de
près.
Loi de compositions sur les cubes
Etant donné deux cubes ou classes de cubes et deux triplets de BQF uniquement associés
, on peut logiquement former un triplet de BQF composé
. Puisque les deux triplets initiaux se somment à 0, le triplet somme lui aussi se somme à 0. Ce triplet vient donc d’un unique cube. Mais quel cube ? Quelle est loi de composition sur les cubes qui correspond à cette loi de composition des triplets de BQF ? Pas facile à voir…
Formes cubiques
Soit une forme cubique homogène (ou projective) . Elle vient naturellement d’un cube d’entiers triplement symétrique.
Les formes cubiques ont elles aussi un discriminant, à savoir
. Et
agit inlassablement sur elles. Maintenant observons que ce cube hautement symétrique donne lieu à trois BQF identiques qui se somment à 0, autrement dit à un élément d’ordre 3 dans
. En fait
Théorème : {formes binaires cubiques projectives de discriminant D}.
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